C’est fini

Raymonde (notre VR) a été déposée avec les clés dans son compté natal, la Colombie-Britannique. Prête à être nettoyée et hivernée. Obsolète, oubliée parmi les centaines d’autres VR en attendant le printemps. Une relation qui s’est construite kilomètre par kilomètre et qui se termine subitement par la fin du contrat de location qui stipulait 30 jours. Pas plus, pas moins.

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30 jours à conduire d’un océan à l’autre à travers les montagnes, forêts, lacs, rivières, plaines, villes et les quelques zones tampons mi-figues mi-raisins.

30 jours à partager 160 pieds carrés avec 5 autres humains. Des fois 6, même une fois 7.

30 jours à se laver à la débarbouillette en rêvant d’une douche chaude.

30 jours à réinventer le monde autour d’un bol de gruau.

30 jours à planifier le prochain endroit où déposer subtilement nos eaux grises et noires (un réel défi en novembre).

30 jours à communiquer par des onomatopées pour décrire nos sentiments.

30 jours à se réveiller dans la fumée de notre haleine nous rappelant que le thermomètre est sous zéro.

30 jours à connecter avec les inconnus autour d’une toast aux cretons et d’un café tiède.

Un vrai 30 jours hors de notre zone de confort.(1)

Ce voyage a été bien plus qu’un “feel good Road Trip de 1min36”.

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Ça été 720 heures à constamment remettre en question nos croyances et notre façon de voir le monde.

(1)Faut dire que de se réveiller à coup de sitar à tous les matins (Julien avait pour but de nous convertir) te force à élargir tes goûts musicaux pour rester sain…

On peut dire qu’on en resort grandi, mais d’une autre façon, on en sort beaucoup plus petit que le jour 1. Beaucoup plus conscient de notre ignorance face à notre pays, notre communauté, notre histoire, notre environnement.

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Chaque rencontre nous a garoché dans un espace encore plus grand. Chaque rencontre, chaque découverte nous transmettait le besoin d’allonger le voyage pour en connaitre plus. J’ai comme le goût de refaire le même voyage, mais en 6 mois. De prendre le temps de creuser les secrets de chaque région et d’apprendre leur histoire. De partir en back country pendant des jours avec Christine dans notre propre paradis montagneux (2) d’écouter nos trois sages, Bruce, Larry et Brian nous raconter leurs histoires du “outlaw club” autour d’un feu camp, de faire un tour de mustang (pas le char) avec Kate sur le Pacific Crest Trail.

(2)Honnêtement, c’est bien beau l’ouest mais pour ceux qui n’ont jamais vu cette magnifique région du Québec qu’est les Chics-Chocs, tu manques de quoi.

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Couché bien peinard dans mon bain, qui représente exactement la quantité d’eau qu’on utilisait pendant une semaine à 5 personnes, je me demande à quoi a servi ce voyage au-delà de la distribution.

Soyons bien honnête, traverser le continent à chaque édition pour distribuer notre magazine n’est pas viable à long terme. (vidéo du départ) – Tout comme jeter 70% des magazines distribués à grand déploiement en Amérique du Nord ne l’est. L’industrie est brisée, il faut trouver de nouvelles façons de faire.

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Cela dit, traverser le Canada pour rencontrer les gens, s’asseoir dans leur cuisine, échanger des histoires, expérimenter le changement d’heure, de température, d’écosystème, visiter des détaillants indépendants qui nous présentent le fruit de leur vision et leur travail acharné, ça, c’est viable.

Le contact humain se fait de plus en plus rare. L’algorithme des réseaux sociaux nous présente constamment un miroir de nous-mêmes, une validation quotidienne de nos croyances. Notre cercle social se rétréci à chaque année et se limite à notre routine métro / boulot / dodo.

Pour grandir et évoluer, il faut faire le choix conscient de sortir de son cercle social, de parcourir le monde (ça inclut ta propre ville), d’échanger avec des étrangers, de faire 8h de char pour visiter sa province, de sortir de sa zone de confort quoi.

Et ça, c’est vraiment difficile. De consciemment se mettre dans le trouble, dans le doute, dans l’inconfort. De suivre la voie la moins empruntée pour faire ses propres découvertes.

Notre Road Trip a été le résultat d’une impasse de distribution. Un « dead end » qui nous a poussé à réfléchir autrement et trouver des solutions. Sans cette situation, nous serions probablement restés dans le confort de notre salon, ou de notre bain, pour attendre que les choses se passent.

Merci industrie vieillotte de nous avoir botté le derrière et nous avoir permis de vivre ça.

Texte: Jean-Daniel Petit – Fondateur

À bord: Eliane Cadieux, Catherine Métayer, Julien Robert, Catherine Bernier, Elise Legault, Chanelle Riopel, Jean-Daniel Petit, MEC.

P.S. – Tout est plus beau en vrai qu’en photo.

P.P.S – Des wraps au beurre de peanuts avec des noix, ça sauve des relations.

P.P.P.S – Le Canada c’est grand en s.v.p.

P.P.P.P.S – Un énorme merci à toute l’équipe de MEC, qui a cru en ce voyage et qui nous ont appuyé dès le jour 1.